NOUVELLE-ZÉLANDE

NOUVELLE-ZÉLANDE
NOUVELLE-ZÉLANDE

À l’écart des grands mouvements économiques et géopolitiques mondiaux, la Nouvelle-Zélande a longtemps souffert de la «tyrannie de la distance». Sa taille limitée (270 534 km2, avec 3 427 796 hab. en mars 1991), son isolement au sud-est de l’Australie l’ont amenée à cultiver un lien privilégié avec la Grande-Bretagne, source unique de sa prospérité et de sa sécurité. La permanence de ce cordon ombilical a encouragé le maintien d’un esprit insulaire. En se considérant avant tout comme un «avant-poste» de l’empire britannique, la Nouvelle-Zélande s’est abstraite de son contexte régional. Sa participation automatique à deux guerres mondiales où sa sécurité ne semblait pas directement mise en cause est le signe qu’elle se considérait avant tout comme une nation européenne.

Après 1945, une série de traumatismes ont bouleversé l’européocentrisme des Néo-Zélandais. La fin du mythe d’une Grande-Bretagne régnant en maître sur les mers a amené les Néo-Zélandais, avec les Australiens, à rechercher un protecteur plus près de leurs rivages. Dans les années 1960 et 1970, la fermeture du marché britannique les a obligés à trouver de nouveaux partenaires parmi leurs voisins du Pacifique. L’histoire de la Nouvelle-Zélande est celle de la découverte progressive de son environnement.

1. Conditions naturelles

Relief

Les deux grandes îles néo-zélandaises ont des côtes très découpées et un elief montagneux; les plaines sont nombreuses mais leur superficie est généralement très faible.

L’île du Nord (ou Île fumante) est remarquable par ses paysages volcaniques: certains volcans n’ont plus d’activité (mont Egmont), d’autres ont encore des éruptions (Ngauruhoe, Ruapehu): la Nouvelle-Zélande fait partie de la «ceinture de feu» du Pacifique. Sur le plateau central, les sources chaudes, les geysers, les jets de chaleur constituent une originalité du pays. Mais en plus des formes volcaniques, on trouve de lourds massifs de grès et de schistes, limités par des escarpements de faille. Les mouvements du sol sont souvent très récents et se continuent même aujourd’hui: les tremblements de terre sont fréquents. Les plaines prennent quelque extension au nord (région de Waikato); encore sont-elles souvent parsemées de petits cônes volcaniques.

L’île du Sud (ou île de Jade) n’a pas de volcans mais ses montagnes de grès et de schistes ont été soulevées par de puissants mouvements tectoniques: elles sont plus élevées que celles de l’île du Nord (mont Cook, 3 764 m) et, en raison de la latitude, les températures sont plus basses et les sommets sont occupés par de vastes glaciers (Tasman). Ces montagnes sont appelées les « Alpes néo-zélandaises »; leurs paysages rappellent d’autant mieux ceux des Alpes européennes que, comme ces dernières, elles ont été profondément burinées au cours des grandes glaciations du Quaternaire: de très beaux lacs occupent certaines vallées glaciaires; sur la côte du Sud-Ouest, les vallées surcreusées par la glace ont été ensuite envahies par la mer: les fjords néo-zélandais sont aussi grandioses que ceux de la Norvège.

La haute chaîne longe la côte occidentale de l’île. Au contraire, sur la côte orientale s’étale la seule plaine de quelque importance, celle de Canterbury.

Climat

La Nouvelle-Zélande s’étire entre le 34e et le 47e degré de latitude sud: elle se trouve donc dans une position comparable à celle de l’Espagne et de la moitié sud de la France. Mais elle baigne dans un océan relativement frais et sa situation très océanique explique la remarquable égalisation des températures. Sur la côte et dans les plaines, les hivers sont doux: la température de juillet, le mois le plus frais, est de 11,1 0C à Auckland, 8,4 0C à Wellington, 6,6 0C à Christchurch; en montagne, les températures diminuent rapidement et l’enneigement est important et prolongé dans les Alpes néo-zélandaises. Les étés sont relativement doux: il n’y a guère de très grosses chaleurs à cause des brises côtières; à Auckland la moyenne de janvier n’atteint pas 20 0C, alors qu’à Alger, située à une latitude analogue, celle de juillet atteint 25 0C.

Le caractère océanique du climat néo-zélandais se marque aussi par sa grande humidité. L’archipel se trouve sur la trajectoire normale des perturbations océaniques, qui s’accompagnent de grands vents d’ouest (westerlies ) et souvent même de véritables tempêtes. Au sud, il pleut en toutes saisons; vers le nord, des périodes de beau temps apparaissent en été. Mais, au total, les précipitations sont copieuses: 1 010 mm à Auckland, 1 470 à Wellington. Les côtes orientales abritées des vents pluvieux font exception: ainsi, dans la plaine de Canterbury et dans les petits bassins intérieurs de l’Otago, les précipitations ne dépassent pas 400 ou 500 mm.

Ces précipitations aussi abondantes font de la Nouvelle-Zélande un pays de rivières et de lacs. Les cours d’eau qui descendent rapidement des montagnes vers la côte sont le paradis des pêcheurs de truite. Les lacs d’origine volcanique sont nombreux dans l’île du Nord (lac Taupo) et ceux d’origine glaciaire dans les Alpes de l’île du Sud.

Végétation

La douceur des températures et l’abondance des pluies sont également favorables au développement de la forêt: le « bush » néo-zélandais est très original par sa flore et par sa faune, car la plupart des espèces sont endémiques et ne se trouvent nulle part ailleurs, pas même en Australie. Au nord, où les températures sont relativement chaudes, la forêt est de type subtropical, avec de grands conifères, les kauris ; dans les montagnes de l’île du Sud apparaît, au contraire, le nothofagus , un hêtre à feuilles persistantes qu’on ne trouve qu’en Tasmanie et en Patagonie chilienne; dans le reste du pays, la forêt est constituée surtout de conifères (rimu , totara ), mais le sous-bois est très dense; les lianes, les épiphytes, les grandes fougères arborescentes donnent à cette formation végétale un aspect totalement différent des forêts de conifères de la zone tempérée de l’hémisphère Nord. Dans les parties les plus difficiles d’accès se réfugient les animaux typiques de la Nouvelle-Zélande, en particulier d’étranges oiseaux tels que le kiwi , devenu l’emblème du pays.

La forêt cède souvent la place à des formations basses: certaines sont naturelles, par exemple les touffes herbeuses du «tussock» qui apparaissent dans les parties les plus sèches (est de l’île du Sud) ou la «prairie alpine» des hautes montagnes. Mais, le plus souvent, la forêt a été détruite volontairement par l’homme et remplacée soit par des pâtures, soit par des landes. Les destructions ont été telles que la Nouvelle-Zélande a procédé à de très importants reboisements avec des essences importées, en particulier des pins américains.

2. Le peuplement maori

Appelée Aotearoa par les Polynésiens qui la découvrirent, la Nouvelle-Zélande permit le développement sur une grande échelle du peuple maori. Celui-ci aménagea ce vaste territoire pendant plus de six cents ans d’histoire, avant que ne surviennent les Blancs au XVIIIe siècle. La civilisation maorie avait bénéficié de la révolution néolithique et d’une tradition qui remontait au temps où les ancêtres des Maoris peuplaient les îles Marquises. À partir d’une agriculture fondée sur la patate douce, le peuplement maori a développé une forme d’organisation sociale extrêmement souple et un système politique centré autour d’une chefferie militaire. La vie cérémonielle a entraîné une production artistique très riche (tatouages, vêtements, sculptures).

Un peuplement polynésien

La Nouvelle-Zélande fut découverte et peuplée pour la première fois par des Polynésiens venus des îles Marquises. L’archéologie précise que les premières traces d’occupation du sol remontent à 1150 après J.-C. Apportant avec eux leur langue de type austronésien et leurs coutumes, les Polynésiens franchirent la mer en de véritables expéditions minutieusement préparées. Ils emportaient avec eux, non seulement des provisions et de l’eau pour la durée du voyage, mais aussi des plantes et des animaux domestiques qu’ils comptaient introduire sur les terres nouvelles. C’est ainsi qu’ils essayèrent d’acclimater en Nouvelle-Zélande l’igname et le taro. Leur grand succès fut l’introduction de la patate douce (Ipomæa batatas ) qui devint, pour des raisons climatiques, leur principale ressource vivrière. Les Maoris – c’est le nom qu’ils se donnaient – pratiquaient la chasse aux oiseaux, aux chiens, aux rats et aux chauves-souris. Les mammifères étaient rares sur ces îles. La pêche et la cueillette des fruits complétaient leur ordinaire. En période de disette, la population se nourrissait de racines de fougères.

Les terres les plus favorables au peuplement étaient situées en pleine forêt vierge, mais les guerres entre tribus obligèrent souvent des groupes humains, momentanément vaincus, à émigrer ailleurs et à défricher de nouvelles portions de la forêt. La plupart des villages étaient fortifiés et construits sur les hauteurs. Entourés de plusieurs palissades, de fossés, hérissés de saillants, c’était de véritables forteresses qui permettaient souvent de résister longtemps à l’ennemi. Le terre-plein central des villages était réservé à la danse et aux cérémonies publiques. Les habitations étaient de type semi-souterrain et l’on pouvait distinguer les grandes maisons décorées et sculptées, les maisons sans ornements et, enfin, les petites dépendances. La façade des maisons princières était encadrée par deux portants latéraux couverts de bas-reliefs sculptés. Une entrée principale et une fenêtre, dont le cadre était également sculpté, complétaient l’architecture, avec un mât central qui dépassait le faîte du toit. L’outillage utilisé par les Maoris comprenait des herminettes, des bâtons à fouir, des hameçons, des armes (massues, lances, arcs et flèches), des outils pour la taille du bois. Ils ne connaissaient ni le fer ni la poterie.

Organisation sociale et politique

Proches des Hawaiiens par leur système de parenté, les Maoris vivaient en familles étendues, appelées whanau . Celles-ci rassemblaient en général trois générations, des grands-parents aux petits-enfants. Cette grande famille habitait une seule maison et cultivait en commun ses jardins. C’est entre familles que se réglaient les mariages et la répartition des jardins nouvellement ouverts dans la forêt. Aux premiers temps du peuplement, les familles prospéraient sur une terre fertile, se liaient entre elles pour bientôt former un groupe humain plus large, appelé hapu . Ce groupement était nommé et son mode de recrutement était largement cognatique, c’est-à-dire qu’il faisait appel à tous les descendants d’un ancêtre, soit en ligne masculine, soit en ligne féminine. La composition du hapu était d’autre part largement conditionnée par le mode de résidence, qui donnait liberté au jeune couple marié de s’établir au lieu de son choix. Le hapu occupait un certain territoire et ses membres décidaient en commun des questions importantes et, notamment, des relations avec les hapu voisins (mariages, fêtes cérémonielles, guerres). Étant donné le recrutement cognatique du hapu , un homme pouvait se considérer comme membre de plusieurs d’entre eux, à supposer qu’il puisse se relier généalogiquement à l’un des ancêtres de chaque hapu . Même si l’idéologie du hapu est très nettement patrilinéaire, cette liberté de choix ainsi que la stratégie des mariages permettaient de bouleverser sans cesse la configuration politique d’un ensemble de hapu . Plusieurs hapu , territorialement définis, formaient ensemble une tribu (iwi ) qui portait le nom de l’ancêtre fondateur du premier hapu . Si l’on remonte aux temps légendaires des premiers débarquements sur les îles, chaque Maori se considère comme descendant d’une «pirogue» fondatrice, ou waka , qui rappelle le souvenir des premiers arrivants. Ainsi plusieurs tribus pouvaient-elles se réclamer d’une même origine, l’arrivée d’une pirogue à partir de laquelle commençait l’histoire du peuplement et de la formation des groupes humains actuels. Toutes les tribus appartenant à la même pirogue se considèrent en relation de consanguinité les unes avec les autres, et ce fait modèle les alliances, en temps de paix comme en temps de guerre. De même, les mariages avaient-ils lieu le plus souvent à l’intérieur de la tribu, sauf pour certaines unions entre familles princières qui, par souci de prestige et par calcul politique, enjambaient ainsi les limites tribales.

La cause des guerres était souvent la violation des frontières, car celles-ci étaient soigneusement tracées et jalousement défendues. De même, chaque hapu et chaque famille avaient-ils ses terroirs très précisément délimités. De nombreux interdits promettaient la mort par sorcellerie à qui oserait outrepasser les frontières pour attenter à la propriété d’autrui. La guerre pouvait aussi naître de querelles entre tribus, entre familles ou entre parents à propos des mariages, et des relations sexuelles illégitimes. Tout indique que la guerre était une occupation constante. Les jeunes gens s’entraînaient dès l’enfance, et leurs aînés leur enseignaient les subtilités d’une stratégie militaire extrêmement élaborée (les troupes anglaises en firent l’expérience). Lorsqu’un homme partait au combat, il s’était préparé par une série de rituels qui visaient à le protéger en même temps qu’à l’aguerrir. Les combats singuliers précédaient souvent le passage à des formes de guerre de groupes. Ceux-ci rassemblaient en principe cent quarante hommes divisés en sept sections de vingt. La défaite était sanctionnée soit par la mort au combat, soit par un festin cannibale sur la personne des prisonniers, soit par l’esclavage.

La société maorie était divisée en trois classes: celle des chefs, appelée ariki et rangarita , celle des gens du commun et celle des esclaves. Un système de rang permettait de distinguer, dans la classe des chefs, ceux de la branche aînée et la succession décroissante des lignées cadettes. Un chef pouvait expliquer et justifier son pouvoir par le récit de sa généalogie, le calcul de son rang et la manifestation de sa force magique (mana ), qui lui permettait aux yeux de tous de maintenir les prérogatives de son autorité. Aussi les chefs étaient-ils souvent des prêtres en relation constante avec les forces surnaturelles; leur personne était taboue et leur vie quotidienne se conformait à une étiquette très stricte. La tribu ne connaissait pas de chefs plus puissants que d’autres. C’est seulement pendant les guerres qu’un chef particulièrement valeureux et habile se trouvait porter momentanément une responsabilité générale. Les funérailles d’un chef étaient un événement vécu de façon dramatique. Son visage tatoué recevait une couche d’ocre rouge, ses cheveux étaient huilés et décorés de plumes. Ses armes et ses parures étaient placées à ses côtés pendant que l’on sacrifiait en l’honneur de sa mort un grand nombre d’esclaves. Parfois même, sa veuve se donnait la mort. Le corps du chef pouvait être, comme le cadavre d’un homme du commun, soit exposé soit brûlé, mais ses ossements étaient soigneusement conservés en un coffret de bois sculpté en forme de tête humaine. Ces cérémonies étaient des occasions de rappeler les exploits des dieux et des héros fondateurs des tribus. Les mythes qui racontent l’histoire du panthéon maori sont une littérature précieuse pour la compréhension de ce peuple polynésien.

Aujourd’hui intégrés au devenir historique de la Nouvelle-Zélande, les Maoris (qui représentaient, en 1991, 9,6 p. 100 de la population) forment une communauté moderne, mais qui demeure attachée à ses traditions.

3. Histoire et société

Un lien privilégié avec la Grande-Bretagne

La Nouvelle-Zélande, découverte par les Polynésiens au Xe siècle, connut sa première véritable vague d’immigration trois siècles plus tard. Provenant de diverses régions de la partie orientale de la Polynésie, les nouveaux venus formèrent à la longue un peuple uni par une culture commune, le peuple maori. En 1642, le premier Européen à découvrir les côtes de la Nouvelle-Zélande fut le navigateur hollandais Abel Tasman. La première carte détaillant les îles qui la composent fut dressée par le Britannique James Cook en 1769.

La Nouvelle-Zélande ne fut colonisée par l’homme blanc qu’au début du XIXe siècle. Les premiers occupants européens furent les chasseurs de phoques et baleiniers basés en Australie. Dès les années 1810-1820, des problèmes d’ordre public, de moralité et de conflits avec les indigènes maoris entraînent l’arrivée de missions anglicanes, catholiques et méthodistes dans l’île du Nord. L’anarchie, les guerres entre les tribus maoris, rendues plus sanglantes par l’introduction d’armes à feu, amènent les autorités britanniques, d’abord réticentes, à se lancer dans une nouvelle aventure coloniale, à assumer un pouvoir croissant. La couronne confie en 1828 le droit d’administration et de juridiction du territoire à la Nouvelle-Galles du Sud australienne. Le 5 février 1840, le traité de Waïtangi établit la souveraineté de la Grande-Bretagne sur les deux îles, accordant à tous les habitants, Maoris inclus, la qualité de citoyens britanniques. Le pouvoir est alors exercé sur place par un gouverneur général nommé par la reine.

C’est dans la décennie 1840-1850 que la colonisation débutera à grande échelle. Elle sera effectuée exclusivement à partir de l’Angleterre. Les premières villes seront souvent modelées sur des villes anglaises, ainsi Christchurch, dont les plans ont été établis en Angleterre, d’après la ville du même nom. En 1852, le Constitution Act pose les bases d’un gouvernement provincial autonome. En 1856, l’autonomie de fait du gouvernement néo-zélandais est établie. L’octroi du statut de dominion, en 1907, n’ajoute aucun pouvoir réel supplémentaire au gouvernement de Wellington, mais constitue une étape importante dans la reconnaissance du pays en tant qu’entité nationale.

Si la Nouvelle-Zélande s’administre de façon autonome dès la seconde moitié du XIXe siècle, elle n’en demeure pas moins une colonie dans son commerce avec la Grande-Bretagne: elle vend ses produits agricoles et achète des produits manufacturés. La dépendance totale de la Nouvelle-Zélande vis-à-vis du marché et du fournisseur britannique prolonge la dépendance politique et psychologique jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Alors que Canberra acquiert une pratique diplomatique propre au début du XXe siècle, de la guerre des Boers aux conflits mondiaux, la politique extérieure de la Nouvelle-Zélande sera celle de la Grande-Bretagne. Bien qu’elle ait rejoint la Société des nations en tant que membre à part entière, la Nouvelle-Zélande s’en remet totalement au Foreign Office pour sa représentation à l’étranger, jusqu’à la création du Ministry of External Affairs en 1943. Ce n’est qu’en novembre 1947 qu’elle adoptera le statut de Westminster, par lequel, en 1931, le Parlement britannique avait reconnu le droit de chaque dominion à la souveraineté complète.

Institutions et traditions politiques

Comme d’autres anciennes colonies britanniques (Australie, Canada), la Nouvelle-Zélande est une démocratie parlementaire qui a hérité des institutions anglaises. Il n’y a pas de Constitution écrite. Le pouvoir est exercé pour une durée maximale de trois ans par le leader du parti majoritaire au Parlement, qui peut provoquer une élection anticipée à tout moment. Connu sous le nom de Beehive («la ruche», du fait de la forme du bâtiment), le Parlement se compose de 92 membres, quatre sièges, correspondant aux quatre régions géographiques du pays, étant réservés aux candidats maoris. Ceux-ci sont élus par des électeurs maoris, qui conservent par ailleurs le droit de vote pour celui des 88 sièges généraux qui correspond à leur circonscription. Le chef d’État est le représentant de la couronne d’Angleterre, le gouverneur général, qui n’exerce aucun pouvoir effectif.

Du fait de la petite taille du pays, qui n’a pas permis le développement d’un véritable système fédéral, le pouvoir est davantage centralisé qu’en Australie ou au Canada. L’abolition en 1950 d’une Chambre haute non élective, la faiblesse des collectivités locales et l’impuissance du gouverneur général permettent à la majorité parlementaire de gouverner presque sans entraves. Cette tradition de démocratie centralisée a donné très tôt à l’État une importance prépondérante dans la vie économique et sociale de la Nouvelle-Zélande, et peut expliquer le rôle de précurseur que, des réformes sociales des années 1890 à la révolution fiscale des années 1980, le gouvernement néo-zélandais a pu jouer. L’autorité du Parlement et des pouvoirs publics est toutefois tempérée par un puissant État de droit. Le pouvoir judiciaire échappe au pouvoir politique, et des officiels indépendants, les Ombudsmen, sont chargés d’enquêter, sur plainte de particuliers ou de leur propre initiative, sur les activités de l’État pouvant paraître abusives.

Les membres du Parlement sont élus par arrondissements au scrutin majoritaire à un tour. Ce système électoral, comme en Grande-Bretagne, a favorisé la polarisation de la vie politique autour de deux grands partis, le Parti national (National Party ) et le Parti travailliste (NZ Labour Party ). Le premier, dans la tradition conservatrice britannique, se veut le garant d’une gestion prudente et d’un certain ordre moral, élément important dans un pays qui a longtemps conservé une tradition victorienne. Le Parti national a été au pouvoir de 1949 à 1957, de 1960 à 1972, puis de 1975 à 1984. Le Parti travailliste, membre de l’Internationale socialiste, s’appuie sur une base syndicale large et suit traditionnellement une ligne social-démocrate de redistribution. Avant sa victoire de juillet 1984, confirmée par un second succès aux élections d’août 1987, le Parti travailliste néo-zélandais avait été porté trois fois au pouvoir, de 1934 à 1949, de 1957 à 1960 et de 1972 à 1975. Le Parti national remporte de nouveau les élections législatives d’octobre 1990 et, de justesse, celles de juin 1993.

Esprit égalitaire et qualité de vie

La société néo-zélandaise est caractérisée par une égalité des conditions qui frappe le visiteur étranger dès l’aéroport, où un chauffeur de taxi l’invite à s’installer à ses côtés sur le siège avant... Un premier coup d’œil aux banlieues résidentielles de Wellington, d’Auckland ou de Christchurch donne une impression de bien-être nivelé.

L’esprit égalitaire est profondément ancré dans la tradition néo-zélandaise et n’est pas sans impliquer un certain conformisme. Les premiers colons, issus de milieux modestes, avaient à cœur de ne pas reproduire dans leur nouveau pays la structure de classe qui caractérise la société anglaise qu’ils avaient fuie. Ce souci est manifeste dans le domaine politique, la Nouvelle-Zélande ayant été le premier pays au monde à accorder le droit de vote aux femmes en 1893. Mais c’est dans le domaine social que l’égalitarisme néo-zélandais apparaît le plus éclatant. Dès les années 1890, le gouvernement libéral de Richard Seddon, ancêtre des travaillistes du XXe siècle, faisait adopter une série de lois touchant l’emploi (Factories Act , Industrial Conciliation and Arbitration Act ) et les retraites (Old Age Pension Act ). En 1904, dans La Démocratie en Nouvelle-Zélande , le sociologue français André Siegfried décrivait la Nouvelle-Zélande comme un «laboratoire social».

Le premier gouvernement travailliste, élu en 1935, alors que la Nouvelle-Zélande subit le choc de la crise économique mondiale, apparaît comme le véritable pionnier de l’État providence. Sous la houlette du Premier ministre Michael Savage, le Parlement réduit la semaine de travail à quarante heures, impose la syndicalisation obligatoire (closed shop ) et instaure un réseau de prestations sociales protégeant le citoyen «du berceau à la tombe»: aide au logement, sécurité sociale assurant la quasi-gratuité des soins médicaux et des médicaments, régime de retraite, assurance chômage, etc. L’ère Savage (1935-1940) est également une étape importante dans le développement du rôle de l’État, avec la nationalisation de divers secteurs de l’économie (radiodiffusion publique, création d’une banque centrale, etc.).

Le Néo-Zélandais moyen jouit d’une qualité de vie élevée. Il est propriétaire d’une maison individuelle à un étage, en bois, située sur un terrain, où il entretient soigneusement des fleurs et des légumes. Il possède une télévision en couleurs et une automobile. Volontiers bricoleur, il consacre une grande partie de son temps et de son argent à l’amélioration de son habitat et à l’entretien de sa voiture. Le prix élevé de cette dernière encourage les réparations personnelles, et le visiteur étranger est surpris de trouver de nombreux véhicules vieux de vingt-cinq ou trente ans en excellent état de marche.

L’agneau, la viande rouge, le beurre, le lait et les œufs, d’excellente qualité et bon marché, représentent une partie importante de son alimentation. Malgré la richesse de ce régime alimentaire, l’espérance de vie est élevée: 69 ans pour les hommes, et 76 ans pour les femmes. Cela est peut-être dû à l’importance du sport dans la vie néo-zélandaise. Les équipements sportifs sont omniprésents et disponibles à des prix fort modiques. Le Néo-Zélandais est un homme d’extérieur. Le jogging, le rugby, la voile ou la randonnée font partie intégrante de sa vie, et les athlètes nationaux, en particulier les fameux All Blacks et les marins, font figure de héros. Aux jeux Olympiques de 1992, la Nouvelle-Zélande a obtenu 10 médailles, alors qu’en 1984 elle en avait remporté 11, dont 8 d’or.

4. Une économie tournée vers l’extérieur

Prépondérance de l’élevage

Si elle n’emploie que 9 p. 100 de la maind’œuvre, l’agriculture reste un secteur vital pour la Nouvelle-Zélande. Elle occupe 79 p. 100 de son sol et assure plus de 50 p. 100 de ses exportations. Les colons ont très tôt découvert la richesse des ressources agricoles du pays. La qualité du climat et des pâturages, en particulier dans la plaine fertile du Canterbury (île du Sud), a permis le développement de l’élevage dès les années 1840. Toutefois, eu égard aux dimensions réduites du marché intérieur, la viande était produite en quantités trop importantes, et une grande partie de la production devait être transformée en suif.

Au cours des premières décennies de son histoire, la Nouvelle-Zélande exportait essentiellement des céréales et du bois (notamment les espèces indigènes, comme le kauri, qui furent décimées au XIXe siècle). L’avènement des cuirassés et l’arrivée sur les marchés mondiaux des céréales de la Prairie américaine plongèrent l’économie néo-zélandaise dans une crise qui, malgré une ruée vers l’or dans l’île du Sud, se prolongea jusque dans les années 1870.

En 1882, la première cargaison de viande congelée quittait Dunedin pour relier Londres en trois mois... L’invention de la congélation constitue une date historique pour la Nouvelle-Zélande. En assurant le lien entre la surproduction de l’élevage néo-zélandais et la pénurie de viande en Europe, les transports réfrigérés font de l’élevage la source essentielle de la prospérité du pays. La trilogie viande-laine-produits laitiers, qui ne représentait en 1880 que la moitié des exportations néo-zélandaises, dominera le commerce extérieur jusqu’à nos jours. En 1965, cette trilogie assurait 85 p. 100 des devises à l’exportation.

L’élevage du mouton, sur lequel reposent l’industrie de la laine et la majeure partie de la production de viande, est la spécialité néo-zélandaise par excellence. En 1986, le cheptel ovin s’élevait à 67 millions de têtes, et la Nouvelle-Zélande assurait à elle seule près de la moitié de la production mondiale de viande d’agneau et de mouton... Les techniques de croisements se sont développées autour du Romney, la race dominante produisant une viande fine (élevage de plaine) et une laine rude (élevage en altitude). Victime de la baisse des cours et de la valorisation des produits laitiers depuis les années 1960, l’élevage du mouton suit un déclin faible mais régulier. Le cheptel bovin, qui reste stationnaire à 8 millions de têtes, est de plus en plus tourné vers l’élevage de vaches produisant du lait (2,3 millions de têtes en 1986 contre 2 millions en 1982), qui à elles seules produisent 20 p. 100 des revenus à l’exportation.

L’urgence de la diversification

Selon un diplomate néo-zélandais, l’invention de la congélation a été «l’une de nos plus grandes défaites» (Merv Norrish, «The Changing Context of New Zealand Foreign Policy», in The Australian Quarterly , hiver 1986). En se spécialisant dans l’élevage, la Nouvelle-Zélande s’est en effet placée dès la fin du XIXe siècle dans une position de double dépendance. Le commerce extérieur du pays reposait dès lors sur un nombre limité de produits agricoles et sur un client unique. La part de la Grande-Bretagne parmi les clients de la Nouvelle-Zélande n’allait cesser de s’accroître au cours des soixante années qui suivirent l’introduction de la congélation, passant de 70 p. 100 en 1880 à 77 p. 100 en 1900, et à 88 p. 100 en 1940.

Si la crise des années 1930 a mis en relief la fragilité d’une économie aussi peu diversifiée, de lucratifs débouchés s’ouvraient aux agriculteurs néo-zélandais dans l’après-guerre. Une pénurie alimentaire particulièrement aiguë en Angleterre absorbait la majeure partie de la production de viande et de lait, alors que la guerre de Corée relançait la demande de laine en Asie. Grâce à ce contexte favorable, la Nouvelle-Zélande occupait en 1953 le troisième rang dans le monde pour le P.I.B. par habitant, mais la double dépendance du commerce extérieur néo-zélandais allait se prolonger jusqu’aux années 1960. En 1961, la Grande-Bretagne continuait d’absorber plus de la moitié des exportations de la Nouvelle-Zélande, toujours dominées à 85 p. 100 par la laine, la viande et les produits laitiers.

Entrée de la Grande-Bretagne dans la C.E.E.: un traumatisme salutaire

Il faut attendre l’entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun pour que la Nouvelle-Zélande entreprenne une nécessaire diversification. Bien que le traité d’accession de la Grande-Bretagne à la C.E.E. permette l’accès des produits néo-zélandais au marché européen, les quotas qui leur sont alloués ont subi une érosion progressive au cours des ans. En 1973, année de l’élargissement de la C.E.E., la Nouvelle-Zélande vendait 165 000 tonnes de beurre et 69 000 tonnes de fromages à la Grande-Bretagne. En 1978, le quota fromager fut porté à 9 500 tonnes. En avril 1988, lors de son passage à Bruxelles, le Premier ministre néo-zélandais D. Lange s’efforça en vain de s’opposer à la réduction des quotas sur le beurre et la viande ovine (fixés jusqu’alors à 75 000 et 245 000 tonnes respectivement).

La fermeture du marché européen a fourni le coup de fouet nécessaire à la diversification. Le secteur primaire, notamment l’élevage, a fortement décliné, au profit des produits finis. De 1961 à 1986, la part de la trilogie viande-laine-produits laitiers dans les exportations de la Nouvelle-Zélande a été presque réduite de moitié, tombant à 44 p. 100, alors que celle des produits manufacturés était multipliée par dix, passant de 3 à plus de 30 p. 100.

La diversification provoquée par l’entrée de la Grande-Bretagne dans la C.E.E. est également géographique. Le commerce avec l’Europe a reculé, au profit des échanges avec les pays d’Asie et d’Océanie. Le Japon, qui ne fournissait que 5 p. 100 des exportations néo-zélandaises au début des années 1960, est en 1987, avec 15 p. 100, l’un des trois principaux clients du pays.

La progression en vingt ans de l’Australie parmi les fournisseurs de la Nouvelle-Zélande paraît à première vue moins spectaculaire, et plus prévisible, que celle du Japon. Néanmoins, il était naturel que la puissance industrielle japonaise compensât le retrait du fournisseur britannique. Le rapprochement entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui pourtant sont voisines et partagent la même culture, fut en revanche le fruit d’un long et difficile cheminement.

Rapprochement avec l’Australie

Malgré une fraternité profonde tirant son origine de l’A.N.Z.A.C. (Australian New Zealand Army Corps), le corps d’armée commun créé lors de la Première Guerre mondiale, Néo-Zélandais et Australiens ont longtemps privilégié les liens économiques, politiques et affectifs avec Londres plutôt que la coopération bilatérale. Ayant grandi en regardant dans la même direction, les deux économies sont plus concurrentes que complémentaires, et sont restées cloisonnées jusqu’au milieu des années 1960.

Les premiers efforts de rapprochement entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande remontent aux tentatives britanniques d’accession au marché commun au début des années 1960. Ces efforts furent couronnés en 1965 par la signature du New Zealand Australia Free Trade Agreement (N.A.F.T.A.). L’objet du N.A.F.T.A. était de promouvoir le libre-échange entre les deux pays par la création d’une structure de négociation permettant la réduction échelonnée des tarifs douaniers produit par produit. Avec la décolonisation des États archipels du Pacifique-Sud dans les années 1960 et 1970, l’idée de libre-échangisme s’étendit à l’Océanie, et la Nouvelle-Zélande et l’Australie complétèrent le N.A.F.T.A. en 1977 en signant un Agreement on Tariff and Tariff Preferences, destiné à renforcer les liens économiques avec les pays du Pacifique-Sud.

Si l’accord a initialement permis aux marchandises, et en particulier aux produits manufacturés, de traverser la mer de Tasman avec plus de facilité, le N.A.F.T.A. s’est vite révélé un cadre très limité. Laissant intacts tous les quotas et de nombreux droits de douane, bardé de licences d’importations et d’aménagements spéciaux, contrôlé par une bureaucratie pesante, l’accord paraissait, à la fin des années 1970, d’un rapport douteux. Après une quinzaine d’années d’existence, seule une centaine de firmes australiennes était concernée, pour une valeur ne dépassant pas 20 millions de dollars australiens...

Dans une série de discours prononcés en 1977, Brian Talboys, alors ministre adjoint des Affaires étrangères néo-zélandais, n’estimait pas superflu de rappeler à ses compatriotes que le lien avec l’Australie devait constituer «la pierre angulaire de la politique extérieure de la Nouvelle-Zélande». De tels propos, vers la fin de la décennie, ont contribué à la prise de conscience de la nécessité d’une meilleure intégration. À la suite de négociations menées par les deux gouvernements en 1980-1982, le N.A.F.T.A. fut remplacé par l’Australia New Zealand Closer Economic Relations Trade Agreement (A.N.Z.C.E.R.T.A.), plus connu sous le sigle simplifié C.E.R. (Closer Economic Relations ). Les C.E.R., qui constituent l’accord commercial bilatéral le plus important signé par la Nouvelle-Zélande, visaient l’élimination progressive de tous les tarifs douaniers pour la fin de 1988 et la suppression des quotas d’importation pour 1995.

En place officiellement depuis le 1er janvier 1983, le nouveau régime offre un bilan encourageant. L’Australie, qui en 1966 ne recevait que 5 p. 100 des exportations de la Nouvelle-Zélande, est désormais son premier client, devant le Japon et les États-Unis. Le mouvement vers le marché unique a été favorisé par l’arrivée au pouvoir des gouvernements travaillistes de Bob Hawke en Australie (mars 1983) et de David Lange en Nouvelle-Zélande (juillet 1984). Des deux côtés de la mer de Tasman, une politique libérale d’abandon des subventions, des licences d’importations et des contrôles des changes a grandement facilité l’essor des échanges. Parallèlement, une amorce de déréglementation des transports aériens a permis l’introduction de la concurrence sur les vols entre les deux pays, longtemps réservés aux compagnies nationales (Qantas et Air New Zealand). La baisse sensible des tarifs aériens qui s’est ensuivie a entraîné un accroissement des échanges commerciaux et touristiques entre les deux pays.

Peu à peu, Bob Hawke et David Lange ont élargi la portée des C.E.R. Les secteurs les plus sensibles, exclus du cadre des négociations initiales, faisaient l’objet d’accords séparés (automobile en 1984 et métallurgie en 1987). En novembre 1987, les deux Premiers ministres décidaient d’avancer la date du marché unique de 1995 à 1993. Après un premier bilan enthousiaste de cinq ans de C.E.R., mené par les experts des deux pays de janvier à juin 1988, B. Hawke et D. Lange signaient en août 1988 à Canberra un nouvel accord avançant l’échéance au 1er juillet 1990. Au-delà du libre-échange, les nouvelles C.E.R. instaurent une harmonisation des procédures commerciales et des normes techniques.

Profitant de la plus grande fluidité des capitaux, de nombreux groupes australiens et néo-zélandais ont d’ores et déjà anticipé la fusion des marchés en formant de véritables groupes «trans-Tasman», tels que I.X.L.-New Zealand Forest Products (industrie forestière) ou Goodman-Fielder (agro-alimentaire). Grâce à sa filiale australienne, Industrial Equity, le Néo-Zélandais Ron Brierley est devenu en une dizaine d’années l’un des financiers les plus célèbres d’Australie. Le krach d’octobre 1987, particulièrement sévère pour les marchés boursiers de Sydney et d’Auckland qui ont tous deux perdu 50 p. 100 de leur valeur en quelques jours, a accéléré l’intégration. Ce sont les entreprises dont les activités dépassent l’étroit marché national qui ont le mieux traversé la tempête. Quant aux autres, leur chute a suscité une vague d’O.P.A. qui a encouragé la formation de groupes australo-zélandais.

5. Politique intérieure: du dirigisme au libéralisme

1976-1984: la modernisation par l’État

Les deux chocs pétroliers ont été particulièrement rudes pour l’économie néo-zélandaise. En 1973, les matières premières que le pays achetait ont connu une hausse brutale de leurs cours, alors que celles qu’il vendait perdaient leur marché. Il en résulte une détérioration durable du solde commercial, que le gouvernement de Robert Muldoon (1976-1984) a tenté de pallier en encourageant les «industries de substitution», en multipliant les barrières douanières et les subventions aux exportations, et en fixant la devise à un niveau artificiellement élevé.

À partir du second choc pétrolier (1979), le gouvernement Muldoon porta une attention particulière aux secteurs de l’énergie et de l’industrie lourde. La Nouvelle-Zélande, en effet, n’est pas démunie de ressources minières: les sables des plages du Nord contenant du fer et des réserves de charbon considérables, évaluées à quelque 1 000 millions de tonnes, fournissent les bases d’une industrie sidérurgique; dans la région des fjords (île du Sud), l’hydroélectricité fournit une énergie abondante et bon marché (capacité de 3 500 MW), permettant la transformation de la bauxite importée d’Australie en aluminium; au large de la côte ouest de l’île du Nord, l’important gisement de gaz naturel de Maui, découvert en 1969 dans le golfe de Taranaki, peut alimenter une industrie pétrochimique. Cherchant à stimuler l’industrialisation en exploitant ces richesses, le gouvernement Muldoon met en place, à la fin des années 1970, plusieurs grands projets, surnommés Think Big (raffinerie de pétrole, usine d’essence synthétique à base de gaz naturel, complexe sidérurgique, etc.).

Après sept années d’industrialisation sous l’impulsion de l’État, les résultats semblaient limités. La balance commerciale du pays restait fortement déficitaire. Entre 1973 et 1983, la croissance annuelle moyenne de sa production n’était que de 0,7 p. 100, soit un tiers de celle de l’ensemble des pays de l’O.C.D.E. En terme de revenu par habitant, la Nouvelle-Zélande avait rétrogradé aux alentours du vingtième rang. L’inflation, accrue par les dépenses publiques, atteignait 16 p. 100. Alors que d’autres pays industrialisés s’engageaient dans la voie de la libéralisation économique, le gouvernement Muldoon cherchait à endiguer la hausse des prix en multipliant les restrictions. Outre le contrôle des changes et l’encadrement du crédit, le gouvernement imposait le gel des prix et des salaires en 1983-1984. En 1984, la Nouvelle-Zélande était sans doute l’État le plus autarcique et le plus dirigiste du monde occidental, à tel point que le financier néo-zélandais Bob Jones qualifiait son pays d’«Albanie du Pacifique-Sud». Le problème le plus grave était une dette publique équivalant à 9 p. 100 du P.I.B. Pour les seuls projets Think Big, le gouvernement Muldoon laissait une facture de 7,2 milliards de dollars (30 milliards de francs)...

Le travaillisme libéral

La victoire du Parti travailliste aux élections anticipées provoquées par R. Muldoon en juillet 1984 allait apporter un changement d’orientation radical. Professant une foi inébranlable dans les forces du marché, le ministre des Finances, Roger Douglas, est l’inspirateur éponyme d’une série de réformes sans précédent. Les «Rogernomics» affectent en effet de façon profonde tous les secteurs de l’économie néo-zélandaise:

– L’agriculture: toutes les subventions à la production et à l’exportation introduites par le gouvernement Muldoon, notamment concernant la laine et la viande, étaient supprimées par le nouveau gouvernement dès 1984.

– L’industrie: les licences d’importations, après avoir été mises aux enchères en 1984, ont été pour la plupart abolies. Les subventions et droits de douane ont été considérablement réduits. Toutefois, dix-sept secteurs menacés (dont l’acier, l’automobile, la confection, etc.) font l’objet de «plans industriels» (Industry Plans ), menant à une libéralisation échelonnée.

– La banque et les finances: dès son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement a libéré les taux d’intérêts et supprimé les taux de réserves obligatoires. Il a éliminé les contrôles des changes, en place depuis les années 1930. Après avoir immédiatement dévalué le dollar de 20 p. 100, le gouvernement décida en mars 1985 de le laisser flotter. En 1986, le secteur bancaire, traditionnellement dominé par la «bande des quatre» (Bank of New Zealand, National Bank of New Zealand, Australia and New Zealand Corporation, Westpac), est ouvert à la concurrence intérieure et étrangère.

– La politique budgétaire et fiscale: le gouvernement s’est lancé dans une refonte totale d’un système fiscal complexe hérité des années 1950, axé sur une lourde fiscalité directe. Dans un premier temps, en 1986, le gouvernement a réduit l’impôt sur le revenu, prélevé à la source, qui pénalisait l’initiative. Ces dégrèvements étaient compensés par la fermeture de nombreuses échappatoires permettant aux hauts revenus de passer à travers les mailles du filet, et par l’introduction en octobre 1986 d’une taxe de 10 p. 100 sur tous les biens et services (Goods and Services Tax). Dans un second temps, à la suite de l’échec d’un projet de taux unique d’impôt sur le revenu jugé politiquement dangereux parce que trop favorable aux hauts revenus, le gouvernement poursuivait dans la voie de la réduction et de la simplification de la fiscalité directe en adoptant, en février 1988, un barême à deux tranches: les revenus inférieurs à 30 875 dollars annuels (correspondant à un salaire brut mensuel d’environ 9 300 francs) sont imposés à 24 p. 100. Au-dessus de 30 875 dollars de revenus annuels, le taux d’imposition passe à 33 p. 100. De plus, la taxe professionnelle, dont le taux est passé de 48 à 28 p. 100 en avril 1988 (33 p. 100 pour les sociétés étrangères), est désormais l’une des plus basses au monde. Après avoir figuré, avec les pays scandinaves, parmi les pays de l’O.C.D.E. où la fiscalité directe était la plus lourde, la Nouvelle-Zélande a dépassé les États-Unis et la Grande-Bretagne dans la voie de l’allègement fiscal, et de nombreux pays, dont le partenaire australien, étudient de près les résultats de cette politique s’inspirant des défenseurs de l’«économie de l’offre».

– Les privatisations et réformes de la fonction publique: l’État néo-zélandais a acquis de longue date une forte participation dans un certain nombre d’entreprises commerciales. Le gouvernement travailliste a décidé de vendre les parts de l’État dans celles qui sont «rentables et dont le contrôle par la puissance publique est totalement injustifié» (D. Lange, juin 1987). Ainsi, New Zealand Steel (sidérurgie), Development Finance Corporation (financement de lancement d’entreprises), Petrocorp (pétrochimie) et Air New Zealand (transports aériens) ont été privatisées ou sont en cours de privatisation. Le but des privatisations est d’assurer un meilleur fonctionnement du marché. Aussi les a-t-on accompagnées d’un rétablissement de la concurrence: l’introduction, en 1987, sur le marché intérieur aérien d’une filiale du transporteur australien Ansett a préludé à la vente par l’État d’une partie de ses actions d’Air New Zealand. De même, la vente de Petrocorp, en 1988, s’est effectuée parallèlement au démantèlement de la régulation sur les hydrocarbures.

En outre, pour un certain nombre d’entreprises destinées à demeurer publiques, le gouvernement travailliste a inventé une étape intermédiaire, la corporatisation. En avril 1987, neuf State Owned Enterprises ont été créées: Electricity Corporation, Forestry Corporation, Land Corporation, Telecom, Government Property Services Corporation, Coal Corporation, NZ Post, Post Office Bank, Airways Corporation. En vingt ans, l’ensemble de ces entreprises, qui représentent 12,5 p. 100 du P.I.B. et 20 p. 100 des investissements du pays, avaient engouffré environ 5 milliards de dollars en dépenses de capital. En 1986, le rendement net après impôt de cet investissement était nul. Bien que l’État demeure le principal actionnaire des State Owned Enterprises, la corporatisation signifie le remplacement de la tutelle ministérielle directe par des méthodes de gestion modernes, appliquées par des managers professionnels qui travaillent avec des contraintes et des objectifs aussi proches des conditions du marché que possible. Ne bénéficiant plus de privilèges fiscaux ou de prêts gouvernementaux à des taux préférentiels, ils devront s’approvisionner sur les marchés financiers ordinaires, verser l’impôt sur les sociétés ainsi que des dividendes aux actionnaires. Les corporatisations ont été une indéniable réussite. Les restructurations accomplies par la Forestry Corporation, qui gère la majeure partie de la forêt néo-zélandaise, et par la Coal Corporation, qui exploite les gisements de charbon, ont entraîné des gains de production de 20 p. 100. Toutefois, l’introduction d’une logique commerciale a pu se révéler difficile à concilier avec la mission de service public que certains de ces organismes ont conservée. Ainsi, l’opinion s’est émue, à la fin de 1987, de la fermeture par New Zealand Post de nombreux bureaux de poste isolés.

Les réformes esquissées dans le secteur social et de l’emploi constituent les aspects les plus controversés de la politique de R. Douglas. À la suite d’un rapport publié en avril 1988, le gouvernement travailliste a annoncé une révision radicale d’un système d’aide sociale presque centenaire qui absorbe 55 p. 100 des dépenses de l’État. L’introduction d’un souci de rentabilité – par exemple, la suppression de la gratuité des médicaments – marque un changement d’orientation fondamental par rapport à la philosophie égalitaire dominante depuis l’ère Savage. Pour R. Douglas, l’État ne doit plus être le principal fournisseur de prestations sociales. Le gouvernement envisage en outre une réforme d’un marché de l’emploi caractérisé par une structure de négociation tripartite entre l’État, les employeurs et les syndicats.

La fin de l’innocence

Les effets de la libéralisation abrupte et radicale entreprise par le gouvernement Lange sont mitigés. Pour la première fois depuis les années 1940, les comptes de la nation étaient légèrement excédentaires en 1987-1988. Bien qu’obtenu grâce à des privatisations qui se sont élevées à 1,8 milliard de dollars (6 milliards de francs), ce résultat est à mettre au crédit de R. Douglas, qui avait trouvé un déficit de 9 p. 100 du P.I.B. en 1984. Par ailleurs, pour la première fois depuis 1974, l’inflation est descendue en 1987 au-dessous de 10 p. 100 (9,6 p. 100).

Ces succès sont toutefois éclipsés par plusieurs points sombres qui risquent de retarder la reprise de l’économie. Le plus alarmant est une dette publique considérable, dont le service grève 20 p. 100 du budget annuel de l’État. En 1988, l’endettement extérieur de la Nouvelle-Zélande s’élevait à plus de 42 milliards de dollars (160 milliards de francs), soit 80 p. 100 du P.I.B. Depuis le début des années 1980, la dette extérieure néo-zélandaise par habitant est plus élevée que celle du Mexique ou du Brésil. Sur le plan intérieur, la dette publique a contribué à maintenir les taux d’intérêt réels aux alentours de 8-10 p. 100 depuis leur libération en 1984. La cherté du crédit a fait de nombreuses victimes, notamment chez les agriculteurs endettés, affectés d’autre part par l’abandon des subventions. Entre 1984 et 1986, le revenu agricole moyen a chuté de 50 p. 100. La hausse des taux d’intérêt s’est surtout traduite par un ralentissement généralisé de l’économie à partir de la mi-1985, aggravé par le krach boursier d’octobre 1987, qui pourrait se prolonger jusqu’au début des années 1990. En 1987-1988, la croissance a été négative, et le chômage, qui atteignait 6 p. 100 en 1988, a fait son apparition dans ce pays accoutumé au plein emploi.

La période 1987-1988 a été celle des désenchantements. Outre l’opposition de plus en plus déclarée d’une base travailliste traditionnelle réfractaire à la mystique du marché et de l’austérité professée par R. Douglas, les milieux d’affaires ont commencé à critiquer ouvertement la gestion du gouvernement. Ceux qui sanctionnent celle-ci en quittant le pays sont de plus en plus nombreux. En 1987, 16 000 Néo-Zélandais, ayant pour la plupart une haute qualification, s’installèrent de l’autre côté de la mer de Tasman, attirés par des salaires plus élevés, des prix et des taux d’intérêt plus bas, et un climat plus ensoleillé...

Les Néo-Zélandais font pour la première fois l’expérience de graves problèmes sociaux. Les fermetures d’entreprises et les faillites d’exploitations agricoles ont provoqué un exode vers les villes, notamment vers la métropole d’Auckland, où sévissent en nombre croissant des bandes d’adolescents sans foyer (street kids ) et des gangs organisés (comme la redoutée Mongrel Mob ).

L’aggravation de la misère et de la délinquance a fait voler en éclats le mythe de l’égalité raciale. En ce qui concerne le chômage, la criminalité, la mortalité infantile, le suicide et l’échec scolaire, la population maorie est fortement désavantagée. Revendiquant le respect des droits consacrés par le traité de Waitangi, le mouvement maori connaît depuis 1984 un regain de militantisme. C’est dans le domaine foncier que le mouvement maori a remporté ses plus importantes victoires. Une commission d’enquête créée en 1975, le Waitangi Tribunal, acquérait en 1985 le pouvoir d’examiner tous litiges portant sur la terre et les droits de pêche. Depuis 1986, de nombreux tribunaux ont suivi ses recommandations, ordonnant la restitution aux tribus maories de terrains et de zônes côtières.

Les quelque 150 affaires de ce type examinées par les tribunaux néo-zélandais concernent 60 p. 100 du territoire du pays et la quasi-totalité de son littoral... La vague de litiges a accentué les tensions entre certains Pakehas (blancs) qui craignent, à tort selon le gouvernement, de se voir dépossédés, et des extrémistes maoris dont les espoirs paraissent irréalistes. À Genève, en août 1988, l’un d’eux accusait la Nouvelle-Zélande de pratiquer «l’apartheid et le génocide culturel».

Pour un peuple qui se présentait volontiers comme un modèle de sécurité, d’égalitarisme social et d’intégration raciale, la seconde moitié des années 1980 aura marqué la fin d’un âge d’innocence.

6. Évolution de la politique étrangère

À la découverte du Pacifique-Sud

Deux évidences ont traditionnellement sous-tendu la politique de défense de la Nouvelle-Zélande. D’une part, le pays est trop faible pour prendre en charge sa propre sécurité ; celle-ci doit être garantie par une puissance navale protectrice. D’autre part, la défense du pays doit être «en avant»: engagée dans une alliance avec une puissance lointaine, la Nouvelle-Zélande ne peut s’en tenir à la simple défense de ses côtes.

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la sécurité de la Nouvelle-Zélande, comme celle de l’Australie, reposait entièrement sur l’espoir qu’en cas de menace dans le Pacifique la flotte britannique se porterait immédiatement au secours des dominions. Cet espoir justifiait l’envoi immédiat en Europe de troupes A.N.Z.A.C. au cours des deux guerres mondiales. Le mythe d’une Grande-Bretagne protectrice et maîtresse des mers s’est effondré avec la destruction par l’armée japonaise de la base de Singapour en février 1942. La grande puissance alliée était désormais les États-Unis. Lors de la création du Ministry of External Affairs en 1943, la première représentation néo-zélandaise à l’étranger fut ouverte à Washington.

Après 1945, Australiens et Néo-Zélandais cherchèrent à obtenir la garantie des États-Unis contre un éventuel réarmement du Japon. La victoire communiste en Chine (1949) et le début de la guerre de Corée (1950) eurent raison des réticences de l’administration Truman contre le projet de «pacte Pacifique», et le traité tripartite entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis (A.N.Z.U.S.) fut signé à San Francisco en septembre 1951. Sur l’insistance de Washington, ce pacte excluait la Grande-Bretagne.

Certes, la rupture du lien de défense avec le Royaume-Uni n’a pas été brutale. Le Premier ministre Holland mit un point d’honneur à soutenir la malencontreuse équipée franco-britannique de Suez en 1956. La solidarité militaire avec la Grande-Bretagne fut encore manifeste lors de la guerre des Malouines en 1982, quand R. Muldoon plaça un vaisseau à la disposition de la flotte britannique. Mais, malgré ce fonds d’anglophilie indéracinable, la Nouvelle-Zélande des années 1950 et 1960 a concentré sa politique de sécurité non pas sur l’Europe, mais sur la région Asie-Pacifique. Elle dépêche un contingent en Corée, signe le traité de Manille (1954) créant l’O.T.A.S.E. dont le but est de protéger la propagation du communisme dans le Sud-Est asiatique, et participe à la guerre du Vietnam par l’envoi de conseillers militaires, puis de troupes. Les liens avec le Commonwealth lui-même se focalisent sur l’Asie. En 1949, une guérilla communiste menaçant les territoires britanniques de Malaisie et Singapour, les A.N.Z.A.C. s’engagent, par un accord informel avec Londres, à participer à la défense de la zone dite A.N.Z.A.M. (Australia, New Zealand and Malaysia). L’Australie et la Nouvelle-Zélande installent une unité aérienne à Singapour, renforcée en 1955 par la création de la «réserve stratégique du Commonwealth», comprenant également un bataillon d’infanterie.

Dans les deux premières décennies d’après-guerre, la Nouvelle-Zélande déplace le centre de gravité de sa politique de défense de l’Europe vers l’Asie. À partir de la seconde moitié des années 1960, elle concentrera sa politique de défense et sa diplomatie sur son environnement immédiat. Après s’être découvert pays du Pacifique, la Nouvelle-Zélande devient un pays du Pacifique-Sud. En 1957, le Livre blanc sur la défense (Defense Review ) plaçait l’environnement immédiat en queue de liste dans la rubrique «obligations et engagements», et celui de 1961 affirmait que la défense du pays «n’a jamais été de caractère principalement local». Dès la fin des années 1960, l’accès à l’indépendance des anciennes colonies du Pacifique-Sud accroît l’importance du contexte régional. En 1971, à l’initiative de Wellington, est créé le Forum du Pacifique-Sud, qui accueille un à un les États indépendants d’Océanie. En 1972, les dernières troupes néo-zélandaises sont retirées du Vietnam par le gouvernement travailliste nouvellement élu, alors que la Defense Review mettait l’accent sur l’environnement rapproché du pays. Le Livre blanc de 1978 confirme en toutes lettres que «l’ère de la défense en avant (en Asie) est terminée». Dans les années 1980, la Nouvelle-Zélande a restreint ses intérêts vitaux à sa propre zone économique exclusive de 200 milles et à celle de ses territoires associés en Polynésie (Niue, îles Cook).

Les gouvernements travaillistes ont joué un rôle particulier dans la focalisation sur le Pacifique-Sud. Peter Fraser, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de 1940 à 1949, et son homologue australien Herbert Vere Evatt font figure de précurseurs. Le pacte de Canberra qu’ils signèrent en janvier 1944, né de la crainte de voir les États-Unis conserver leurs bases dans le Pacifique après la guerre, affirme que l’avenir des petites nations du Pacifique ne pourra se décider sans l’accord de Wellington et de Canberra. Par la création des Trust Funds (1944) et de la Commission du Pacifique-Sud (1947), Fraser et Evatt posèrent les jalons d’une solidarité entre les A.N.Z.A.C. et les archipels du Pacifique-Sud. À la fin des années 1950, le travailliste W. Nash prend ses distances vis-à-vis de la stratégie des États-Unis en Asie, en minimisant l’importance de l’O.T.A.S.E. En 1959, dans l’affaire du Laos, État «protocolaire» du traité de Manille, il condamne toute intervention américaine contre le Pathet Lao, soupçonné d’être soutenu par le Vietcong. N. Kirk, conformément aux engagements qu’il avait pris dès 1969, retire les dernières troupes néo-zélandaises du Vietnam en 1972 et participe à la dissolution de l’O.T.A.S.E. en 1975. Le gouvernement Lange consacre la priorité accordée au Pacifique-Sud: le Livre blanc sur la défense, publié en février 1987, prévoit pour 1992 le retrait des unités néo-zélandaises stationnées à Singapour dans le cadre de l’accord des cinq puissances (Royaume-Uni, Malaisie, Singapour, Australie, Nouvelle-Zélande). Parallèlement, David Lange accroît l’aide extérieure, destinée dans sa quasi-totalité aux micro-États de Polynésie. La part de cette aide dans le P.I.B., qui s’élevait à 0,6 p. 100 en 1986, se rapprochait ainsi de l’objectif de 1 p. 100 fixé par N. Kirk.

En plaçant davantage l’accent sur son rôle de puissance régionale, la Nouvelle-Zélande a été conduite à développer certains thèmes. Le recentrage géographique s’est traduit par une certaine évolution politique.

L’allergie antinucléaire

Au cours des années 1970, l’opposition aux armements nucléaires est devenu l’un des thèmes centraux de la politique étrangère de la Nouvelle-Zélande. L’émergence du militantisme antinucléaire est étroitement associée à l’identification croissante du pays à la communauté des États du Pacifique-Sud. En effet, cette région est une zone maritime, dont la défense est assurée par le passage de navires, et non par la présence d’armées ou le stationnement de missiles. De plus, le Pacifique-Sud étant à l’écart des conflits entre grandes puissances, les Néo-Zélandais considèrent la présence d’armements nucléaires comme un facteur de déstabilisation plutôt que de sécurité. Enfin, dans un pays où l’hydroélectricité fournit une énergie abondante et bon marché, on ne conçoit pas même la nécessité d’une énergie nucléaire. En tant que source de sécurité ou d’électricité, le nucléaire ne fait pas partie du paysage néo-zélandais.

Il est important de noter que cette allergie est loin d’être un sentiment précis et univoque. Par-delà le consensus sur l’idée très générale que le nucléaire est une chose dangereuse, les sensibilités politiques peuvent s’opposer sur de nombreux points. Certains adoptent une position morale contre la dissuasion nucléaire en soi, la condamnant pour tous pays; d’autres jugent simplement qu’elle est inadaptée au contexte du Pacifique-Sud; certains rejettent uniformément le stationnement et le passage d’engins porteurs de têtes nucléaires; d’autres tolèrent le transit d’armes mobiles; certains récusent dans un même souffle les navires porteurs d’armes mobiles et les vaisseaux à propulsion nucléaire, quel que soit leur armement; d’autres réservent leurs foudres pour les armements... Enfin, pour la grande majorité des citoyens néo-zélandais, l’opposition aux armes nucléaires se résume à un sentiment aussi légitime que passionnel selon lequel ces armes sont détestables, sans que les questions de technique ou de politique soient clairement formulées.

Le rejet des armes nucléaires par l’opinion exerce une forte pression sur les gouvernements néo-zélandais. Cette pression s’est traduite par une activité dans les enceintes internationales axée sur deux thèmes: l’opposition aux essais nucléaires et l’instauration d’une zone dénucléarisée.

Le premier de ces thèmes est mis en avant par le gouvernement travailliste de W. Nash. En 1958, la Nouvelle-Zélande est responsable d’une première résolution de l’O.N.U. proscrivant les essais nucléaires. Dans les années 1960 et 1970, la Nouvelle-Zélande s’oppose aux essais atmosphériques français en Polynésie. En 1973, les images montrant la marine française repoussant les deux frégates envoyées par le gouvernement Kirk à Mururoa font le tour du monde. En 1975, le contentieux est mené devant la Cour internationale de justice de La Haye, dont le verdict condamne implicitement les essais atmosphériques français. Depuis que la France conduit ses essais en sous-sol, la Nouvelle-Zélande a tenté d’imposer l’interdiction totale des essais nucléaires (Comprehensive Test Ban), notamment par un projet de résolution rédigé en 1983 en collaboration avec le Japon, les Pays-Bas, l’Australie, la Suède et la Norvège.

Sur le plan régional, le combat antinucléaire a été mené autour de l’idée d’une zone dénucléarisée. Encouragé par la signature du traité de Tlatelolco (1967) instaurant une telle zone en Amérique latine, le gouvernement travailliste, en décembre 1975, faisait voter par l’Assemblée générale de l’O.N.U. le premier projet de dénucléarisation du Pacifique-Sud. Vaincu aux élections, il n’eut pas le temps de mettre en œuvre ce projet. C’est au sein du Forum du Pacifique-Sud que le gouvernement travailliste suivant poursuivra ses efforts. Lors de la réunion du Forum en août 1984, David Lange apporte son soutien au projet de South Pacific Nuclear Free Zone (S.P.N.F.Z.) introduit l’année précédente par le gouvernement travailliste australien. Le traité de Rarotonga, prohibant «l’acquisition, le stockage, le déversement de déchets, le stationnement et l’essai d’armes nucléaires» dans le Pacifique sud, était signé par les pays du Forum en août 1985. Ce projet mettra bien entendu la Nouvelle-Zélande et l’Australie en conflit avec la France, seul contrevenant aux termes du traité. Mais il entraînera également une réaction hostile de la part des États-Unis. Choisissant la solidarité atlantique, Washington annonçait en février 1987 son refus de signer les protocoles destinés aux puissances nucléaires. Reconnue par deux puissances nucléaires (Chine et U.R.S.S.) sur cinq, la S.P.N.F.Z. demeure lettre morte.

Davantage que la politique régionale, ce sera la politique antinucléaire nationale de la Nouvelle-Zélande qui précipitera la fin de l’A.N.Z.U.S. Dès la fin des années 1970, alors que l’arrivée de navires américains à propulsion nucléaire engendrait des manifestations paralysant le port de Wellington, de nombreux travaillistes attachaient manifestement davantage d’importance à une politique antinucléaire pure et dure qu’au maintien de l’A.N.Z.U.S. Une enquête menée en 1978 révélait que 49 p. 100 des candidats travaillistes à la députation souhaitaient une «modification» des termes de l’A.N.Z.U.S. Lors de la campagne électorale de 1984, David Lange s’était engagé à refuser le droit d’escale aux navires nucléaires, et avait envisagé une «renégociation» de l’A.N.Z.U.S.

Pour les États-Unis, s’il était envisageable de ne pas solliciter le droit d’escale pour les navires à propulsion nucléaire, aisément repérables, il était impossible, pour des raisons évidentes de sécurité, de fournir des renseignements concernant les armements se trouvant sur des navires à propulsion classique. Une fois au pouvoir, les travaillistes néo-zélandais ne pouvaient éviter une rupture de l’A.N.Z.U.S. qu’au prix d’une révision complète des engagements électoraux qui avaient assuré leur victoire. Escomptant sans doute un assouplissement semblable à celui du gouvernement Hawke en Australie, le secrétaire d’État américain George Shultz, de passage en Nouvelle-Zélande en juillet 1984, accordait au nouveau gouvernement un moratoire de réflexion de six mois.

En janvier 1985, Washington sollicita le droit d’escale pour l’U.S.S. Buchanan , navire capable de porter des armes nucléaires. Le refus du gouvernement Lange d’accorder le droit d’escale sans assurances concernant la nature des armements entraîna, dans un premier temps, la mise entre parenthèses provisoire de la Nouvelle-Zélande au sein de l’A.N.Z.U.S. (opérations militaires jointes supprimées, suspension de garantie, interruption du flux de renseignements militaires). En juin 1987, le vote d’une loi antinucléaire au Parlement néo-zélandais, rendant difficile toute révision de la politique actuelle par un gouvernement futur, amena les États-Unis à mettre un terme définitif à l’A.N.Z.U.S.

Anticolonialisme et relations avec la France

Comme beaucoup de petites nations, la Nouvelle-Zélande cherche volontiers à exprimer ses positions dans le cadre d’organisations internationales. M. Savage (1935-1940) avait exercé un rôle important à la Société des nations. Après la Seconde Guerre mondiale, P. Fraser, qui présida la commission chargée de rédiger la clause de la charte des Nations unies sur les territoires sous tutelle, axait de même sa politique étrangère sur une pleine participation à l’O.N.U. Sous son impulsion, la Nouvelle-Zélande devint un membre actif du Conseil de tutelle (Trusteeship Council). Succédant au régime des mandats de la S.D.N., le système de tutelle mis en place par les Nations unies constituait une étape de transition vers l’indépendance. Les îles Samoa, placées sous tutelle néo-zélandaise en 1945, furent le premier archipel du Pacifique-Sud à accéder à l’indépendance en 1962.

L’arrivée au pouvoir du gouvernement travailliste en juillet 1984 correspond au début de troubles violents en Nouvelle-Calédonie entre le F.L.N.K.S. et les opposants à l’indépendance. Si le gouvernement néo-zélandais a maintes fois marqué son soutien à la cause indépendantiste, il convient toutefois de distinguer ce soutien des positions plus extrêmes prises par d’autres États de la région, notamment l’Australie. Les gouvernements néo-zélandais ont toujours été favorables à une évolution progressive vers l’indépendance, soit par le régime de tutelle, soit par celui de la libre-association (free association ), qui tous deux impliquent une phase transitoire de souveraineté limitée. Le statut de large autonomie dont jouit la Polynésie française n’a jamais attiré de critiques de la part de Wellington, et D. Lange a soutenu l’éphémère plan d’«indépendance-association» élaboré par E. Pisani (1985). S’il a vigoureusement condamné le statut Pons (1987), sans toutefois pouvoir rallier une majorité aux Nations unies en décembre 1987, le gouvernement néo-zélandais n’en a pas moins salué la politique d’aide mise en place par le secrétariat d’État au Pacifique-Sud en 1986. En septembre 1987, le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères R. Marshall déclarait qu’une certaine forme de présence française dans le Pacifique-Sud était «la bienvenue». Un an plus tard, il applaudissait à l’accord sur la Nouvelle-Calédonie conclu par le F.L.N.K.S., le R.P.C.R. et le gouvernement de Michel Rocard.

Après que les tragiques événements d’Ouvéa en avril-mai 1988 eussent relancé la querelle verbale entre les deux pays, la victoire du Parti socialiste aux élections présidentielle et législatives de 1988 entraîna une amélioration sensible des rapports entre les deux pays. Toutefois, il est probable que ces rapports resteront entachés par l’affaire à rebondissements du Rainbow Warrior . Le 10 juillet 1985, une équipe de la D.G.S.E. fait exploser dans le port d’Auckland un bateau de l’organisation Greenpeace, faisant une victime. L’arrestation de deux des agents impliqués et la reconnaissance par la France de sa responsabilité ont mené les deux pays au bord de la rupture diplomatique. Pour la Nouvelle-Zélande, l’importance de cette affaire est en effet considérable: en cent cinquante ans d’histoire, aucun État étranger n’avait encore violé l’intégrité de son territoire, et loin d’en être diminuée, l’amertume a été accrue par le fait que le pays en faute est un allié. Après la condamnation pour homicide involontaire en novembre 1985 des deux agents, la France a conclu, en juin 1986, un accord avec la Nouvelle-Zélande, aux termes duquel ceux-ci étaient transférés pour une durée de cinq ans sur l’atoll d’Hao, en Polynésie française. Le rapatriement pour raisons médicales des deux agents en décembre 1987 et en mai 1988 a accru le différend avec Wellington.

Nouvelle-Zélande
(en angl. New Zealand) état d'Océanie, archipel qui s'étire sur 1 500 km, à 2 000 km au S.-E. de l'Australie; 268 675 km²; 3 435 000 hab. (Néo-Zélandais), croissance démographique: 1 % par an; cap. Wellington (dans l'île du Nord). Nature de l'état: rép. parlementaire membre du Commonwealth. Langue officielle: anglais. Monnaie: dollar néo-zélandais. Population: Européens (90 %), Maoris (10 %) dont le taux de natalité est très élevé. Relig.: protestants (en majorité). Géogr. et écon. - L' île du Nord, volcanique, groupe 75 % de la pop. dans les plaines littorales (ville princ. Auckland); l' île du Sud, montagneuse (Alpes néo-zélandaises: 3 764 m au mont Cook), est surtout peuplée sur la côte E. (ville princ. Christchurch). Le climat, océanique humide, est favorable aux forêts et aux herbages. La pop. est urbanisée à plus de 80 %. L'élevage ovin, très important, alimente l'exportation (viande, laine); l'industrie (textile, métallurgie, papeterie) dispose d'une hydroélectricité abondante; on a extrait 11,5 t d'or en 1995. Le revenu par hab. est très élevé. Les princ. partenaires écon. sont les È.-U., le Japon, l'Australie et la G.-B. Hist. - Découverte par le Hollandais Tasman (1642), la Nouvelle-Zélande fut reconnue par Cook (1769). En 1840, les Maoris abandonnèrent leur souveraineté à la G.-B., qui malgré l'accord s'empara de leurs terres. Il y eut plusieurs guerres (1840-1847, 1860-1870). Dominion en 1907, le pays eut une législation sociale très avancée et devint indép. au sein du Commonwealth en 1931. Le pouvoir est exercé par les conservateurs du Parti national (surtout) et les travaillistes (1972-1975, 1984-1990). Tous condamnent les essais nucléaires français dans le Pacifique. Au pouvoir de 1990 à 1997, le conservateur Jim Bolger a appliqué une politique libérale qu'avaient amorcée les précédents cabinets travaillistes: il a généralisé les privatisations, aboli les subventions, réduit les "avantages sociaux"; le chômage et l'inflation ont régressé. En nov. 1997, Bolger a cédé sa place à Jenny Shipley, jugée plus "dure" que lui. - L'art est surtout l'oeuvre des anciens Maoris.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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